Franchir la France à tombeau ouvert
La fenêtre au vent des campagnes
La Palombe bleue à 100km heure
Va
Et je suis seul
Dans ce compartiment
Aussi grand qu’un vaisseau de l’espace
Franchissant les Aubrais
Puis traversant la Loire
D’un élan vers les Landes
Ignorant la Charente
Tours et la Gironde
L’air qui fouette
Les bruits de machines
Entrent dans la cabine
Comme des vols d’étourneaux
Je cours à l’océan
Ignorant les messages qui crépitent
Ah que le luxe est pauvre
Et qu’il est bon
Quand suffit de relever deux couchettes
Pour retrouver le goût du livre
Allongé sur le dos regarder au plafond
Des éclats de lumières
Le feutre des boogies dans un ralentissement
Le chuintement de l’acier qui roule
Je devine un capitaine en avant
Ivre de sa nuit
A mener un train d’acier juste à l’heure
Il contemple les sinuosité
Des citernes en chenille
Des litanies de minerai
Des tombereaux de lait
La nuit
Ce sont les matières qui circulent
Et qui viennent à l’aube
Nourrir les usines
La voiture qui grince
Les ondes nous traversent
Ainsi que les foins qui murissent
Un vent chargé d’odeur tourbillonne
Et le travail d’une fabrique
Saisit les narines
Le métal chauffé des parfums d’huiles
Plus loin dans la plaine obscurité
Résonne
je devine les étoiles
L’effluve de la terre et de l’orage
Une halte sans mesure
Un quai baigné d’une clarté jaune
Clignotent d’impavides sémaphores
Dans ce silence
Le monde change
Ce qu’il était demeure
Juste le temps d’attendre
Fumer une cigarette à la portière
Guetter de rares silhouettes
Juste un moment de grâce
Un exception
pour en vivre la saveur
Et revenir dans l’habitacle
Allongé sur la couchette,
Les yeux mi-clos,
Et le nez affolé
Je sens sur mon visage
Le froid de la nuit qui s’avance au matin
Le corps ronronne sous la couverture
Au rythme de la machine
Je m’endors