je danse avec la machine

Elle me calcule à merveille
Je lui souris, elle ne me répond pas
Nous dansons sans pareil
Ses baisers sont froids

La machine

Sait encore et ne sait rien
Elle a pris dans ses bras la plupart de nos pas

Sa main sur nos reins
Comme un fer froid

Nous lui caressons la joue espérant que ses esprits
Ont pensé qu’elle soit aussi une amie
La dotant de tendresse
L’équipant d’amour

La machine ignore et sa main sur nos reins
Comme un tentacule
Une chose venue des fonds de la mer
Nous inquiète

Presse

Nous lui dirons-t-elle
Les mots qu’elle attend
Pour suivre le but qui sourd de ses calculs ?

Je danse avec la machine,

Je pense

A-t-elle l’idée de danser avec moi?

Le monde de la poésie

La poésie n’est pas un monde
Mais se qui se tient entre les mondes
Une virgule
Un contre-temps

Ni en dehors ni en dedans
Rien d’essentiel
Ni de substantiel

Ce rien qui ironiquement
Tient ensemble les pierres sèches
Et sans rien remplir
Fait tenir ce qui est inachevé

Elle n’est pas un ciment

Mais le tambour

Cette mélopée qui unit les morts aux vivants
Ajuste les cailloux les uns aux autres
D’une main tremblante
Leur faisant trouver des arrangements
Qu’aucune intelligence n’aurait pu découvrir

Il n’y a rien de magique dans la poésie
Ni dieu ni esprit ni complot
Elle ne vient pas d’ailleurs
Elle est le tremblement d’une voix sans raison

Un soupir

Cette manière d’être des choses
Qui ne sont jamais tout à fait ce qu’elles espèrent être

La poésie est la variation de l’être
Sa vibration
Et son incertitude

Elle est autant fantôme que pleine matière
Se nourrissant de l’autre
Elle est cannibale

Déliant ce que les choses sont à elle-mêmes
Elle fait des choses que les choses ne sont pas

Elle concentre dans les riens
Le rayonnement de l’existence
Condense le néant

La poésie surgit de rien
Et érige des murailles
Et des tours

Elle salue l’architecte
Lui rappelant que ses ponts les plus audacieux
Sont des ouvrages de sable
Elle ponctue le génie
De places vides

La poésie n’est pas un monde
Juste la chanson des abeilles
et celle des vagues
qui brisent les falaises

Avant même que nous eussions pensé
Avant même que nous usions du langage
Creusée dans le beau qu’aucun dieu n’avait encore béni

Dans la mélopée que les pêcheurs fredonnaient au retour de la mer
Dans la glaise colorée au fond des grottes à force de mains
Dans le regard de singes fatigués qui regardent l’horizon

Un grognement suffit
A défaire les mondes pour mieux les reconstruire

Paris, les rues sont vides

12976761074_50fc7bbe0dQui sommes nous ? Des drapeaux ou des fatigues ? Et d’un jour d’une fausse rentrée. Rentrer où ?Rentrer avec qui ? Ceux qui reviennent de vacances ? Quelles vacances ? Se retirer de la société ? Des normes ? Des contraintes ? De ce monstre auquel on se soumet car demain demain dépend de sa générosité ?

Une fausse rentrée. Les rues de Paris sont vides, et les bureaux bien plus. Mais sur les deux lignes qui traversent la ville, la A et la B, deux suicides. Ils ne sont pas les premiers ni les derniers, ils deviennent des régularités. Quand la rentrée est impossible on se jette sous le train et chacun le sait, la régularité a trouvé sa dénomination dans la novlangue : «  un incident de personne » qui paralyse généralement pendant deux à trois heures la circulation de dizaines de milliers de personnes, plus aux heures de pointe. Il amène chacun à bricoler, changer de ligne ou patienter, tromper les couloirs et se confier aux taxis – s’ils sont là. Le digital facilite le contournement, des cartes publiques sont consommées sous le manteau et c’est dans un silence prolongé que chacun s’arrange avec l’incident.

Chacun dans son alcôve méprise son voisin et cultive l’idiotie de résoudre ce qui nous intrigue, ne nous intrigue plus, mais nous gêne, dans cette idée étrange d’une étrangeté qui ne mérite aucune curiosité. Ces chacuns enquêtent et ne nous comprennent pas.

Nous dressons des drapeaux sans croire à ce qu’ils signifient. Nous brandissons des signes sans souci de leur signification, c’est habile. Ils le font plus vite et plus massivement que nous. L’uniforme des soldats, la tenue des footballeurs, l’apparat des pom pom girls, des nœuds papillons. Cela permet de changer de signe aussi vite que l’intérêt immédiat le commande.

Un intérêt qui d’ailleurs n’est rarement le notre, à moins qu’ils ne se confonde à la fatigue, cette immense fatigue qui vient de ce que nous faisons obéit moins au calcul de l’espoir qu’à celui de l’évitement. Le troupeau avance évitant ronces et orties sans s’inquiéter de la falaise où il va s’effondrer.

Nos grands drapeaux sont moins des cerf-volants que des parapluies.

A la croisée des mondes

Les mondes
Ils gravitent sous une même loi
Et se rencontrent rarement

Peut être répondent-ils a des lois distinctes
Mais ils se rencontrent

Faudra-t-il penser que se croisent des histoires sans rapport
Et que seule la contingence fasse le monde?
Quelle matière et quel espace
Donne aux rencontres un hall
Ce forum?

Devons nous penser que l’espace commun
Se construise moins par l’antécédence de l être
Que par des ‘nature ressemblantes?
Le bord des ressemblances
Appartient sans doute a l étendue des choses

Il n’est aucun espace commun qui précède l’être
L’être se tient dans son espace
L’étendue des êtres est-elle assez vaste
Pour que les être se croisent?

Il n’est ni une loi, ni un monde
Ni même un espace commun

Seul l’infini des choses
Qui fasse que les choses se rejoignent
Les infinis se croisent

D’un coup d’aile les anges
Se froissent

Le bout du monde

Le bout du monde est là où on le veut. Ce bout du monde se tient quand la ville s’absente. Les Goudes à Marseille sont un bout du monde. Mais ici à la Mousse, sous la falaise, des vagues rares qui trouve l’écrin pour déferler découvre un autre bout. Le bout du monde au delà de Diabet dans les Dunes du cap Sim, des éclats de silex, les cabanes de pêcheurs, le vent qui vient d’ouest obstinément.

Le bout du monde est un ailleurs. Et sa quête part du ridicule. Le bout du monde est aussi une maladresse. Ce rêve des villes qui ne dépasse pas le périphérique. Le bout du monde est un luxe qui n’est laissé qu’à ceux qui ont été totalement délaissés. Le bout du monde est une marge. Il est aussi cette grève où glissant les vagues on arrive, ivres des ondes, de l’eau, se recroqueviller à la limite du sable.

La forêt qui tombe sur la plage, l’oued qui alimente les courants, les ondes qui viennent sous la paresse des palmes. Au bout du monde il est une belle solitude, comment se tenir au bout du monde ? Il ne dépend pas des drames, un peu de nos regards, il nous sourit et répète que dans ses marges on n’espère plus être reconnus, juste oublié.

Le bout du monde est cet endroit au aucun regard ne saisit, cet endroit où nus nous plongeons dans les vagues, des enfants au ventre des adultes. Au bout du monde nous devenons humains.

Qu’importe nos désirs, nous devinons qu’il faut séduire le monde. Un regard, une caresse, un baiser, les frontières du monde succombent à peu. Un feux dans la nuit, des racines et du charbon, les étoiles au ciel, le vent silencieux. Et je supplie, qu’au matin, nos rêve prennent l’élan de nos réussites. J’aurais dans la nuit senti les froid serpents, je me lève au matin et prie pour un retour, au monde.