Le monde de la poésie

La poésie n’est pas un monde
Mais se qui se tient entre les mondes
Une virgule
Un contre-temps

Ni en dehors ni en dedans
Rien d’essentiel
Ni de substantiel

Ce rien qui ironiquement
Tient ensemble les pierres sèches
Et sans rien remplir
Fait tenir ce qui est inachevé

Elle n’est pas un ciment

Mais le tambour

Cette mélopée qui unit les morts aux vivants
Ajuste les cailloux les uns aux autres
D’une main tremblante
Leur faisant trouver des arrangements
Qu’aucune intelligence n’aurait pu découvrir

Il n’y a rien de magique dans la poésie
Ni dieu ni esprit ni complot
Elle ne vient pas d’ailleurs
Elle est le tremblement d’une voix sans raison

Un soupir

Cette manière d’être des choses
Qui ne sont jamais tout à fait ce qu’elles espèrent être

La poésie est la variation de l’être
Sa vibration
Et son incertitude

Elle est autant fantôme que pleine matière
Se nourrissant de l’autre
Elle est cannibale

Déliant ce que les choses sont à elle-mêmes
Elle fait des choses que les choses ne sont pas

Elle concentre dans les riens
Le rayonnement de l’existence
Condense le néant

La poésie surgit de rien
Et érige des murailles
Et des tours

Elle salue l’architecte
Lui rappelant que ses ponts les plus audacieux
Sont des ouvrages de sable
Elle ponctue le génie
De places vides

La poésie n’est pas un monde
Juste la chanson des abeilles
et celle des vagues
qui brisent les falaises

Avant même que nous eussions pensé
Avant même que nous usions du langage
Creusée dans le beau qu’aucun dieu n’avait encore béni

Dans la mélopée que les pêcheurs fredonnaient au retour de la mer
Dans la glaise colorée au fond des grottes à force de mains
Dans le regard de singes fatigués qui regardent l’horizon

Un grognement suffit
A défaire les mondes pour mieux les reconstruire

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