Le sens du sacrifice

Un coup du hasard m’a fait regarder à la suite deux films dont la trame est semblable, construite sur la trilogie de l’expiation, du sacrifice, et de la rédemption. Le premier, magnifique est la dernière œuvre de Clint Eastwood, « Gran Torino » , le second une adaptation du beau roman de bernhard Schlink « le liseur » .

Walt Kowalsky est un ancien de Corée qui rumine dans sa solitude les meurtres qu’il a commis sur le champs de bataille. Anna une femme presque belle, gardienne dans un camps, qui aurait laissé bruler vives 300 prisonnières. Ces personnage sont seuls, et dans leurs solitudes ils expient une faute qui n’est pas tout à fait la leur. Leur crime fût accompli dans l’ordre social. Et l’on ne sera pas étonné que l’expiation se traduit en un sacrifice.

Malade, Walt va concevoir cette idée remarquable et christique, de s’offrir aux fureurs et aux balles du gang dont il est devenu l’ennemi, et du même coup éteindre pour un temps le cycle de la violence. De même Annah en avouant au tribunal plus que ses comparses et collègues, acceptant de supporter la responsabilité de la décision criminelle, acceptant être l’auteur d’un rapport qu’elle ne sait pas écrire, se constitue aussi en bouc émissaire de ce cycle de violence terrible au cœur de la chaos. L’un et l’autre expient le mal inhumain d’une société entière, et sans la critiquer, la condamner, concentrent dans les seuls actes qu’ils ont accomplis tout le poids de la faute.

Mais cette expiation, déterminée et volontaire est aussi rédemption, rédemption qui vient avec l’amour. On ne peut racheter sans être aimer. Pour l’un ce sera un amour filial, pour l’autre un jeune amant.

Est-ce un thème si chrétien? D’où vient le pardon? Aucun pardon réellement dans les deux films, mais une demi réponse. L’église à demi pleine pour Walt, l’argent donné aux analphabètes juifs dans le second. Si il y a un pardon il n’y a pas d’absolution. Dans le pardon le crime reste.

Et plus profondément, il n’est pas un péché à racheter, même le plus grave, le meurtre le plus inhumain. On ne peut qu’avoir en tête les textes de Girard et retrouver dans ces deux oeuvres, deux paraboles magnifique de ce mythe intrinsèque. Celui du christ qui meurt pour les hommes, coupable de rien, mais prenant sur lui la faute du monde. Les deux personnages ne sont pas des boucs émissaires, ils se sacrifient.

Serait-ce un simple fait psychologique? Que la faute commise, pourvu qu’on en ai conscience, conduise à se soustraire au tribunal des hommes, pour se donner la peine la plus grave, l’élimination? Les deux histoire indiquent par la durée qui sépare la faute de la mort que ce n’est pas le désarroi psychologique qui conduit ces personnages à la mort. Ce ne sont pas des suicides, ni des fuites. Dans chacune d’elle le temps de la vie est suffisant pour endosser la faute. Dans chacune d’elle le silence est essentiel. Se sacrifie-t-on justement car la faute n’est pas partageable et que sa conscience inouie conduit à penser que la seule parole possible se tienne dans l’acte.

Un acte qui n’absout rien, mais dont la vertu est de changer le monde. Un acte pur d’explication. Une acte pur car sans raison pour le monde, un acte qui fait échapper à l’histoire le devenir des choses. Une pure contingence. En ne donnant aucune raison faire échapper le monde à sa propre raison.

Ainsi le sacrifice serait ce point le plus haut de la conscience au monde, conscience du monde et de ses raisons, qui le brusque en ôtant toute raison au devenir du monde. Aucune punition, mais un triomphe douloureux, celui que pour conquérir le monde la raison doit être silencieuse. Son pouvoir s’excerce dans son abdication.

A Colombes, gare du RER

Il suffit d’un train de banlieue, un hôtel triste, cette terrasse où l’on joue aux cartes, un abris bus, des ombres, la lumière orangée d’une rue désertée. Traverser le monde et connaître des histoires, qui vont de Galatasaray à Colombes, de Dakhla à Belleville, de Constantine à Nanterre. Et j’oublie Nouatchok et les rivages de shan mai.

Traverser le monde ne requiert pas de lointains voyages, mais juste errer aux rivages de ce monde qui fronce aux abords de la capitale. Dans l’ivresse interroger, faire évoquer des chemins douloureux qui conduisent au bord d’une table à boire un café et à se lamenter.

Découvrir ces ruines de la vie, un docteur gardien d’hôtel, un ingénieur gardien de nuit, un homme brisé par la prison, des idéaux en fumée, la poésie qui psalmodie sous l’écran d’une télévision. Des ruines vivantes, l’une qui étudie encore passé la cinquantaine sans avoir passé sa licence, l’autre qui répète des différentielles aux portail d’une gare. Et ce petit café où la bière, en dépit des croyances, en dépit de la foi, tient chaud sous la bruine, sur les flaques d’un hivers bien installé. Se retrouver encore aux berges de la nuit.

Le sol tremble, un train passe, toutes les 10 minutes, l’évier mal embouché et la douche fragile, des festons de moisissures qui célèbrent l’enluminure des portes. Le regard brillant et la question précise, les seigneurs en haillons parlent encore de leur palais. Pensez -vous qu’ils ont cédé?

Dans la discrétion du populaire, le kitch exotique et sans façon, ils rebattissent des palais. Brisés par les vagues, sur la grève boueuse, ils se redressent et font des bois portés des cabanes somptueuses.

Au pied de la gare, dans la brique d’immeubles sans style, ils précipitent un monde dont la traversée vaut toutes les expéditions.Ils sont juste arrêtés, échoués, et réflêchissent encore aux désordres du monde qui les ont laissés là. Sans but et sans victoire, que celle d’arranger dans les meublés un semblant de vie. Moins qu’émigrés, ils sont le visage renversé du cosmopolitisme.

Et derrière le comptoir, cet ancien communiste, combattant de la cause kurde ressert la tournée générale. Un boutiquier qui parfois rend des services, au moins celui d’éttouffer les cris de solitude. Une partie de dés.

L’exposition de Shanghai

Les évènements majeurs ont la vertu de fêter des expériences très personnelles, c’est pour ça qu’ils sont majeurs – peut-on imaginer qu’un grand événement le soit sans fêter rien de personnel? Sans doute l’exposition de Shanghai a été pensée pour préciser ma lecture de deux romans chinois, et me rappeler qu’il y a vingt ans j’ai partagé dans l’automne la renaissance d’une puissance. Riez de suite, et avalez vos rires, il s’agit simplement du principe anthropique . Pourquoi les choses sont là? Car pour qu’elles soient, et qu’on se les représentent, il faut avoir eu une raison d’être là. Le monde est est un monde pour-soi. Si il était différent, nous ne serions pas là.

Les deux romans d’abord : il s’agit de brother de Yu Hua , et de Beaux-seins, belles fesses de Mo Yan – pardonnez mon lecteur de ne pas jouer au savant qui manie les bâtons, en chinois je suis analphabète. L’exposition ne m’y rappelle pas mais leur lecture en a préparé le spectacle. D’y parcourir l’allée centrale, d’y manger un brouet acceptable, d’y pisser en bonne compagnie, précise la lecture autant qu’elle donne une couleur à cette immensité de verre et de béton, pire encore cette étendue pliée et dépliée, repliée et chiffonnée, étendue à nouveau quasi repassée par le vent d’une modernité réduite aux acquêts de la technique, ce scintillement de la vidéo. Dans ces deux romans des similitudes moins troublantes que redoublées.

Cette passion de la nourriture qui s’empare d’un corps social affamé, meurtri par la disette, et qui célèbre dans la bizarrerie, des bricolages anciens. L’imagination qui nait de la misère rejoint la variété des recettes impériales. Il est souvent de bons maîtres en cuisine, ce sont les esclaves. Cet amour alimentaire se traduit dans les deux romans au moins par une double parabole. D’une part cet enfant qui loin d’être unique est au moins le dernier d’une série de 7 filles, enfant roux d’un pasteur irlandais et d’une mère qui sans rien avoir demandé, observe la tragédie de l’amour fractionner son clan et peindre de leur sang, le tableau de l’unité dans les vagues continues de l’invasion. Dans l’autre, ce qui n’est pas un amour mais fonde raisonnablement une famille, se fonde sur le mensonge de pains farcis dont le jus se déguste à la paille. Cette passion culinaire et gastronome n’épuise pas la convergence.

Dans les deux romans, il y a cette même vision du temps et de l’histoire. C’est accroché à un village que le peuple considère l’histoire, des hordes plus plus ou moins sauvages qui pillent et violent, établissent des ordres éphémères, sans que se n’y oppose la moindre résistance que celle des grenouilles, des arbres, de cette contingence à laquelle personne n’échappe. L’empire du milieu ne s’érige pas dans les capitales mais dans l’assommante nécessité de vivre là où nous ont posé les aïeux. En d’autre termes, c’est la condition humaine. Et pour un lecteur français il y a une certaine ironie, un malraux au fond ne s’est pas beaucoup trompé, son génie a été au moins celui d’un titre. Le fracas de l’histoire s’écrase sur l’ici-là, et l’idée de l’universel se rompt aux bambous de la contingence. Le monde chinois n’est pas un empire, il est au centre car il n’est pas d’autre lieu pour l’humanité que de voir le monde là où elle se trouve.

La solitude est au coeur des ces deux mondes grouillants. Le lien profond qui se noue est celui d’une fraternité. Elle est gémellaire dans l’un, sororité infernale dans l’autre. Dans les deux ce n’est pas la généalogie qui fonde le lien primitif, c’est une chaine d’oeufs. Les parents mal accouplés, dans la misère du monde engendre des séries intensément liées. Voilà qui donne une autre perspective au culte des ainés : on les respecte moins par les valeurs qu’ils transmettent que par cette absence qui nous fait être. Le monde chinois n’est pas un monde d’héritage, il est le monde que noue une douleur commune. La douleur du manque.

Revenons à cette exposition. Cette drôle d’exposition, qui n’expose rien. Ou justement expose tout, n’expose que des images. Elle a construit des temples vides, immenses. Des temples que n’anime que l’animation de l’image. La chine se regarde, et cette exposition est un nombril du monde. Les vieux sont poussés en poussettes, et les enfants crient. Il leur faut des glaces. La chine traverse les mondes mais reste dans son village. Elle rote, elle pète, elle crache. Et regarde une grandeur qui la dépasse.

Un seul épisode a marqué mon regard. Dans le pavillon français l’enthousiasme s’est porté sur les robot d’Aldébaran. La foule tentait d’attirer le regard de quelques robots hagards. Des machines, comme des singes, auquel on adresse un signe de la main espérant qu’il répondent. Et cette étrangeté que nous pourrions être aussi ces singes auxquels on s’adresse avec un minimum de signe. L’humanité ne serait pas une essence, mais juste cette chose qui répond au signe de l’autre. Robot, singe ou humain qu’importe, pourvu que l’apparence se prête au plus belles analogies. Que Pourcel fusse une forme de restaurant impérial- j’ai goutté il y a vingt ans à la plus subtile des cuisines qui fait d’une peau de concombre la volupté la plus extrême, que LVMH ait semé de fort belles étoiles qui disent la puissance de l’argent, c’est face au robot que l’émotion s’est manifestée.

Ces villageois meurtris par des siècles de guerre cherchent encore dans le signe de l’autre, une réponse à ses signes. Ne cherchons pas la puissance dans ce pays immense, regardons-y l’intelligence d’un village assailli. Les monstres n’ont pas de visage. Juste les gestes de la tyrannie. L’humanité n’a pas de forme, juste celle d’un salut. Un signe de tête une réponse à la main qui se tend.

Que nous fussions là, n’a pas d’importance. L’humanité ne se fait pas dans l’universel, mais dans cette nécessité de la rencontre. Cette exposition s’est faite parce que je l’ai visitée. Ces romans sont là parce que je les ai lu, l’humanité demeure par ce fait insignifiant, qu’ils puissent signifier.

L’étrange de cette histoire, est que si nous n’avions pas été là, rien ne serait. Ne cherchez pas les causes. Il n’y en a aucune, mas si nous n’étions pas là il n’y aurait rien. Le hasard du monde fait que nous nous rencontrions. Et là est la nature du monde. Dans ce nombril du monde, la vérité surgit, même s’il n’y a aucune vérité, ce qui fait que nous nous rencontrons est la vérité du monde.

Le village ne serait rien. Mais s’y croise le monde. Nous n’en connaissons pas les causes. Et sans doute il n’y en a pas. L’accident suffit pour que nous nous y rencontrions. Cela suffit pour donner un sens au monde. Nous ne partageons pas la même nature, mais nous pouvons nous rencontrer. Nous sommes là, parce que si nous n’étions pas là, le monde ne serait pas.Je ne sais comment pense la Chine. Je doute savoir un jour. Je sais qu’elle n’est pas un empire. Elle célèbre l’argent, et construit des tours. Elle dit une histoire que l’on ne peut entendre et cette histoire nous parle. Sans nécessité. Elle nous parle car nous sommes là. Et que si nous n’avions été différents rien n’aurait été.

Au centre du monde donc, il n’y a que la douleur d’être parcourue par les tourmentes, la condition humaine qui fait du talent moins une essence qu’une contingence, mais surtout pour que le centre du monde soit vraiment en son centre, qu’une étrangeté la visite. Un étranger, des fantômes, un témoin. Mais ce n’est pas assez, dans un et l’autre des deux romans, si l’Histoire se fait en bouleversant un village, le roman, une histoire, se construit au-delà du village. Le centre du monde pour être au monde doit en sortir et voyager. Aller à la rencontre de l’autre, franchir les murailles de chine, celle de la douleur, du regret, des humiliations.

Retournant ainsi la question de la civilisation et celle de la culture comme on retourne un gant, on peut s’apercevoir que ce l’on croyais millénaire ne se réalise finalement qu’au regard de l’autre dans cette double exposition du village ouvert à la vue de l’étranger et du villageois qui va au-delà des murailles du monde.

Le temps de cette exposition j’y aurais eu une belle discussion. La culture est-elle une convention? Cet accord commun sans origine qui s’impose à tous, ne coûte rien. Nous ne l’avons pas résolue, mais de mon point de vue au moins j’y ai découvert une chose, que la forme ne devient culture qu’exposée au rapport de l’autre, et que si ses formes peuvent se stabiliser dans l’espace social, c’est moins par une essence que par une relation.

Les singes et nous

AssasinPierre boule, avec « la planête des singes  », a peut-être engagé une série qui se poursuit, de cette étude littéraire qui fait de nos cousin le meilleur moyen de nous comprendre par le jeu des similitudes et des différences.

Il aura joué avec le cousinage, jouant avec le temps, ses singes nous ressemblent, juste variation d’un jeu évolutionnaire qui ne dit au fond que ce que nous sommes peut être autre. C’est déjà une belle vertu. La littérature récente s’est emparée de ce sujet y ajoutant quelques connaissances nouvelles qui affinent l’héritage de Darwin, non seulement l’homme descend du singe mais il pourrait y revenir. La pierre de touche de la littérature simiesque reste enracinée dans la descente d’un arbre, remercions Darwin de tant d’inspiration.

William Boyd, dans Brazaville plage fait part de connaissances nouvelles en matière d’éthologie. Les chimpanzés pratiquent la guerre, des guerres semblable aux notres, où dominer c’est piller, violer, anéantir, asservir. Nos cousins sont ainsi aussi nos frères, et il s’interroge ) la suite de bien d’autres philosophes sur une nature tragique que nous portons avant même nos origines.

Un Will Self avec «  les grands singes  » ironise de manière plus affirmée, faisant de notre cousin un nous-même retroussé comme un gant, ils ont du poil là où nous n’en avons pas, n’en ont pas où nous en avons, ils font l’amour en quelques secondes et de préférence en partouzes, des brochettes copulantes, quand nous tentons déseperemment de maintenir la fiction de l’unique amour. Et le couple égalitaire qui rythme nos effusions, y trouve un équivalent dans cette hiérarchie féroce qui résout l’ordre social.

Mais l’animal triomphant parmi les multiples primates, celui en qui nos sociaux-démocratie se reconnaissent volontiers, est ce rhésus sauveur, que Marie Marienské a célébré récemment dans une fable intestinale, un raout de vieillards qui avec l’âge reviennent aux origines. Ce modèle si proche, est le bonobo. Il suce, il lèche, et se fait un délice de ventraux colonial, c’est à la missionnaire qu’il goute les meilleurs délices, revenant sur toute les acrobaties. Ce singe ne baise pas par amour, mais par courtoisie, il n’a aucune orientation sexuelle, il baise ce qui se présente, un pansexuel. On le rencontre aujourd’hui au détour du moindre magazine.

Dans cette lecture nous sommes fort tentés, de rapprocher la floraison de ce thème littéraire d’un autre sujet qui fonde dans la science la possibilité d’autres chimères. Je pense à ce beau roman dont j’aurais dejà signalé la beauté, et cette belle fable que nous raconte Margaret Atwood dans « le dernier homme ».

Si nous sommes si fasciné par Hanuman , cet ami des dieux dans le maharabata, si différent de son physique et si semblable dans son esprits, nos clônes nous intriguent par la similarité de physicalité et nous inquiètent parce nous ne savons que faire de l’étrangeté de leur âme. Il est curieux dans les promenades de la littérature que les sentiers qui sont choisis ressemblent étonnement à l’anthopologie de Descola .

L’exercice de la lecture, en coupant les paysages, traversant les prairies, des bosquets, une arête rocheuses, le torrent, et la plaine, des mers de collines, des villages silencieux, les vignes et les blés, des forêts humides, des marais échotants, des pierrages glacées, les dunes, les grèves, cette marche à pas forcés, nous font revenir vite à ce que nous contemplons dans le mirroir d’un lac lisse. Nous ne vivons pas seuls, et dans ce que nous ne sommes pas nous rêvons de ce qui peut nous ressembler ou pas, et de ce qui partage notre pensée ou pas.

Pour ce connaître mieux il reste ainsi ces deux chemins. Regarder notre âme dans un corps différent, contempler dans notre corps l’esprit d’ailleurs. Les singes sont notre ailleurs proche, cet espace où nous refoulerons plus loin la frontière, sortant de la singularité pour rejoindre l’universel dont nous rêvons.

L’humble et le noble

C’est dans cette dualité que se forme les idées. La grandeurs des uns et l’opinion des autres, sans que clairement l’échelle qui les distingue se constitue. C’est une curiosité des échelles de valeurs que d’opposer la force de la valeur à la valeur des forces, quelles en sont les raisons? Que fait la raison de la noblesse et celle de l’humilité?

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Je doute qu’une enquête puisse aboutir à un résultat tangible, car dans le système des valeurs, c’est justement l’oblitération des raisons qui les fondent. Il faut oublier leur raisons pour les accepter. Il faut en revanche en accepter l’évidence. L’ordre des valeurs se tient dans l’oubli de la raison, et se maintient dans la brutalité de ses forces. Fussent-elles vaines. Les valeurs sont un théâtre dont la vie se perpétue par pure convention.Le noble et le commun sont les conventions de la raison sociale.

L’humble se fout de l’échelle. Les frontières, un poste de douane, des barbelés, des hauteurs granitiques, un cadenas, rien n’échappe à l’astuce de celui qui franchit les frontières. Il n’y a que des brigands pour défier la limite des mondes et poser un secret où les demi-mondaines, des demi-mondains puissent frayer avec les princes. Il est des lieux où l’humble est un seigneur pour son maître et leur donner la grandeur de leur indifférences.

L’humble est l’opinion, le noble dit l’idée. L’échelle sociale qui reste celle des statuts non seulement fixe les ressources mais aussi les résultats. La parole du noble se grave dans le granit, celle des pauvres s’effacent sur leur ardoises.

A l’âge électronique, les ardoises sont digitales, mais le granit est dans ces médias qui maintiennent une audience haute. Les nobles survivent aux électrons, ils ont la hauteur de ceux qui parlent et dont on encourage la reproduction. L’humble n’a pas de raison de vivre sinon d’échapper à des milliers de pièges. L’humilité de la parole traverse les tourments du temps. Le vrai s’il ne dicte pas toute sa loi, a l’avantage de la régularité, il sort de l’eau à force de franchir le tumulte. Il est ce qui reste après toutes les guerres.

l’humble est parfois noble, de rares nobles sont humbles. Dans notre monde, la noblesse est celle des humble. Ceux qui aux raccords du monde le tende vers un autre destin. Une grandeur sans apparat.