La palombe bleue (2)

Des trains,
Des gares,
Ces endroits de nuit

Les trains de nuits
Au blafard des quais
St-lazarre

Où sont les enfants
Et cet air d’été
La fièvre des départs ?

Le vide d’un hangar

Des silhouettes

Des voyageurs sans raison

Rames d’un autre siècle
Un confort précaire
Qu’habillent des signes désolés

Un recoin poussiéreux
Des fonctionnaires fatigués
Voyageurs et contrôleurs
Relégués aux abords de minuit

Les piles de bétons
Les toilettes déjà puantes
Le silence du couloir

La palombe bleue est un pigeon parasité
Un reste ferroviaire

Une tristesse, la nuit
Qui emporte
Les égarés

Pas même un wagon restaurant où abimer
La nuit à coups de rouge et de bourbon
Des machines à café en panne

L’ennui de l’insomnie
Juste l’odeur des paysages qui traversent la cabine

Se souvenir
Du flamboiement des départs
Et l’esprit des conquêtes

Et cette angoisse douce
qui lie les conversations

Il reste le silence désolé
Des corps abasourdis
et les douleurs de l’inconfort

Il reste le bruit des booggies sur la voie,
Le rythme du fer,
Les tressautements
Le suspens des arrêts
Les lumières jaunes

le chuintement du vent

Un château en ruine
mais roulant.

La palombe fonce au sud

Franchir la France à tombeau ouvert

La fenêtre au vent des campagnes

La Palombe bleue à 100km heure

Va

Et je suis seul

Dans ce compartiment

Aussi grand qu’un vaisseau de l’espace

Franchissant les Aubrais

Puis traversant la Loire

D’un élan vers les Landes

Ignorant la Charente

Tours et la Gironde

L’air qui fouette

Les bruits de machines

Entrent dans la cabine

Comme des vols d’étourneaux

Je cours à l’océan

Ignorant les messages qui crépitent

Ah que le luxe est pauvre

Et qu’il est bon

Quand suffit de relever deux couchettes

Pour retrouver le goût du livre

Allongé sur le dos regarder au plafond

Des éclats de lumières

Le feutre des boogies dans un ralentissement

Le chuintement de l’acier qui roule

Je devine un capitaine en avant

Ivre de sa nuit

A mener un train d’acier juste à l’heure

Il contemple les sinuosité

Des citernes en chenille

Des litanies de minerai

Des tombereaux de lait

La nuit

Ce sont les matières qui circulent

Et qui viennent à l’aube

Nourrir les usines

La voiture qui grince

Les ondes nous traversent

Ainsi que les foins qui murissent

Un vent chargé d’odeur tourbillonne

Et le travail d’une fabrique

Saisit les narines

Le métal chauffé des parfums d’huiles

Plus loin dans la plaine obscurité

Résonne

je devine les étoiles

L’effluve de la terre et de l’orage

Une halte sans mesure

Un quai baigné d’une clarté jaune

Clignotent d’impavides sémaphores

Dans ce silence

Le monde change

Ce qu’il était demeure

Juste le temps d’attendre

Fumer une cigarette à la portière

Guetter de rares silhouettes

Juste un moment de grâce

Un exception

pour en vivre la saveur

Et revenir dans l’habitacle

Allongé sur la couchette,

Les yeux mi-clos,

Et le nez affolé

Je sens sur mon visage

Le froid de la nuit qui s’avance au matin

Le corps ronronne sous la couverture

Au rythme de la machine

Je m’endors

Train bleu

J’ai traversé l’automne dans un train bleu,
Ecouté des beats lourds, goûté la griserie d’un ciel palissant
A mesure de l’avancée au sud.

J’ai rêvé au défilement des futaies brunissantes,
des faîtes rougissants,
Transperçant l’air glacé de novembre,
Cinglant les lambeaux de brumes,
Survolant des marais irisés,
Jusqu’aux maïs coupés.

Je rentre