L’objectif et le subjectif

 

 

Ce qui est propre à l’objet se représente universellement et absolument, le subjectif n’a de sens que nourri du sujet, de ce qui représente. En découle deux grands fleuves intellectuels, celui du réalisme, qui est un idéalisme aussi bien que peut s’affirmer matériel, et celui de la phénoménologie.

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Avant d’annoncer que les fleuves coulent vers deux océans dont la nature est le rapport à la connaissance, réexaminons ces deux notions. L’objectif moins que l’absolu est le reproductible. Pourvu que le sujet d’une représentation puisse bénéficier de l’éternité et sa vision subjective devient d’une terrible objectivité. Avec moins d’extrême c’est la position originelle des constructivistes que l’on retrouve. Dès lors que plusieurs acteurs, en un temps donné, s’emparent d’une irréalité, une croyance ou une superstition, dans la mesure où cette irréalité conduit leurs actes de manière régulière, nous avons affaire à un objet. La subjectivité des sujets sociaux est l’objet de la connaissance sociale : comment se construisent des réalités à partir du néant ? L’imaginaire est-il rien ? Il faudra bien penser l’objectivité de ce qui n’est pas.

L’objectif est le reproductible, ce qui traverse les sujets, une forme stable, qui se reproduit, une institution, celle chose la dont la phénoménologie est partagée par tous, et se poursuit avec le temps. Il n’y a qu’un océan qui accueille les deux fleuves. Celui de la représentation, déchirées entre les permanences de sa substance, le trait, les couleurs, et les vibrations de son expérience variant d’un sujet à l’autre. On ne pourra défaire leurs eaux.

Brûlure

Brûler. Sait-on que la vie est brûlure? Le sait-on assez? L’air dans les poumons parvient au coeur de nos cellules oxydé et transporté par l’hémoglobine. Le coeur de notre vie exige ce transfert, que l’oxygène rejoigne l’intimité de notre physiologie. Et nous pouvons infiniment rappeler cet échange qui traverse tout les actes de la vie. Un feu dans la cheminée. Brûler c’est vivre, et vivre c’est brûler.

Brûler. J’ai en tête cette terrible idée de Klein : saisir sur le carton le souffle de la vie. La trace du mouvement se fixe dans la couleur, une crispation, une irisation, un rien suffoqué qui attend le regard pour se mouvoir à nouveau. Aimer la peinture n’est pas aimer une image, mais la force que l’objet produit puisse dire d’un acte gratuit l’essence de l’humanité. L’art de Klein est une grande phénoménologie.

 

Klein peinture au feu

Devrai-je en conclure que brûler est une phénoménologie de la vie? Extrairons-nous de la flamme cette idée que d’un instant d’une douleur on pourra façonner une raison de la vie? La conscience jaillit-elle de la brûlure, en est-elle son essence? Brûler encore. Avec délice, et l’infinie douleur qu’elle interdit de demeurer en place, excitant à l’infini les appareils du mouvement.

Un acte suffit-il à penser? Sa trace crée-t-elle une mémoire? La flamme sur le carton qui déchire, éventre, plisse, brunit, colore et recroqueville, fabrique une moire de couleurs et de textures qui dit qu’en deçà des apparence il y a le travail de la vie, une incessante transformation, une oxydation, qui révèle dans sa pauvre instrumentation, un vrai partout présent dont seul l’esprit rend compte. Cette image pourra elle nous faire rejoindre la pensées des phénoménologues? Pouvons nous y bâtir les travées d’une nouvelle pensée?

L'été (2)

Au soleil haut répond l’été. Les jours qui déclinent dejà mais un déclin atténué par les vagues de chaleur. Cet esprit de vacance aussi, qui ouvre à l’esprit d’autre contemplation. L’été est la saison des corps, ces corps brûlants, désirants, rompus par les exercices dont ils sont d’ordinaire privés. L’été est une joie, celle d’un désir mature, celle de l’instant jouissant, un arrêt du temps.

automne 2004 143L’été des amours tranquilles, la plénitude d’un baiser profond, le temps arrêté pour célébrer le bonheur simple des plages retrouvées. Il y a peu de métaphysique lors de l’été, Sauf des amours qui veillent sur le désir de jours nouveaux

Ici et ailleurs

La vertu des voyages est de faire ici un ailleurs. L’ailleurs peut devenir aussi un ici. Aucun voyage n’aura assez de saveur, s’il ne dit pas que là où l’on s’est arreté, il y a le goût d’y rester. Aucun voyage ne vaut si le pays visité ne peut devenir le sien. Le voyage c’est devenir un autre.

Il est des mondes qui sont un pur voyage, d’accumulation de millions de voyages. Des multitudes intimes qui se manifestent dans la célébration de leur destination. Il est des mondes qui se construisent dans la celébration d’identités à venir, au dépit des commémorations à satisfaire. Il est des mondes qui accueillent le deuil et y formulent la régénération du monde.

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Un voyage sans fin, le voyage, une altérité infinie s’arrête dans les oasis qui ponctuent le désert.

Les cimetières meurent aussi

 

 

La compagnie de la mort est inconfortable en ce qu’elle nous rappele la faiblesse de nos vies. En ce sens les cimetières sont des sortes de vanité, rappel macabre que la vie ne vaut pas pour son aboutissement. Le crane posé sur la table de travail, comme les cimetières, rappelent aux vivants que c’est dans le travail, et les printanières floraisons que se tient la vie. Dans l’effort, l’effusion, le désir, ces instants qui produisent une magie fugace, et fondent des valeurs qui échappent à la durée.

Les tombeaux et les cranes célèbrent dans leur immobilité ironique nos effort desespérés de donner sens à ce qui ne peut durer. Moquons nous de ces tombeaux et de ces cranes, qui ne sont pas moins vivants que nous. Leurs cimetières, vivent de la venue continue de nouveaux invités, ceux-là même qui suscitent de nouveaux tombereaux de fleurs, des cortèges compassés, et s’habitent d’une vie mondaine aussi vivante que les rues travailleuses qui les environnent. Sans nouveaux convives, les cimetières ne sont rien.

cimetiere essaouira printempsJe connais un cimetière qui meurt, des tombes sans entretien rongées par le sel, le vent et le sable, des inscriptions qui s’effacent, des pots sans fleurs, des dalles brisées, des caveaux qui s’effondrent, le sifflement de l’alizée qui agace les herbes sauvages, la mort qui meurt à son tour. Ils seront rares les morts qui redonneront vie à ce cimetière, les rares candidats aux enterrements choississent des lieux bien plus vivants.

Ce cimetière là a un goût terrible, il renonce à célébrer la mort, et s’abime dans l’oubli. Pire ses tombes se vident. Des familles nostalgiques viennent y chercher des os, pour les réenfouir dans des carrés plus familiers. Le vent et les mouettes, sont les témoins rieurs de la mort de la mort. Comment dire autrement que si les vivants ne sont plus là, aucun mort ne fera vivre cet endroit?

L’océan et ses vagues frappent le mur d’enceinte, rongeant par dessous le sol qui soutient les tombes, j’imagine que les morts de ce cimetière, horrifiés par leur déchéance, fuient par dessous, se dissolvant dans le sable, se faisant emporter par le flux, partir ailleurs, dans les marées et les courants, vivre dans l’oubli pour éviter d’être oublié.

Ce cimetière que je connais, est à Essouira, les derniers morts qui lui donne vie, font partie des miens. Les cimetières meurent aussi, j’aime l’idée que les dalles crevées, les croix délitées, les inscriptions rongées, sont moins l’oeuvre du vent et du sel, que de ce que les morts acceptant leur mort, refusent l’oubli. Ce cimetière proteste…