libre

Je serais libre

Non pas qu’un Etat m’en donne le droit

Je serais libre

Non pas que mon corps est sans douleur

Je serais libre

Non pas que ma classe laisse mes pas aller où je veux

Je serais libre

Sans fortune ni héritage

Je serais libre

Même sans avoir lu tous les livres de toutes les bibliothèques

Je serais libre

Au dedans même des religions qui m’ont fait naître

Je serais libre

Sans voiture, un vélo suffit même si mes jambes ne m’emmènent pas jusqu’aux cols

Je serais libre

En dépit des voisins des collègues des familles

Je serais libre

Sur un lit d’hôpital une sonde plantée dans la verge

Je serais libre

Dans la détresse d’un lit de rue d’une prison ou d’un hôtel

Je serais libre

Dans le creux d’une vague, dans la terre qui me noie

Je serais libre

Tant que ma pensée y ira fureter

Dans le coin des idées

Je serais libre quand écartant des rideaux d’ignorance

Je contemplerais des vallées sans raison

Que cet obscur où se perdent mes phares

Ne me fasse pas peur

Et que d’un mouvement qui n’appartient à aucune raison

Je m’y glisse juste par curiosité

Sentant ses plis sur mes épaules

Sans savoir s’ils sont lourds

Sans savoir s’ils brûlent

Je serais libre

Quand défaisant les idées

Mon regard brillant

S’étonnera de ne plus rien savoir

Pour s’illuminer

Le mauvais amant

ImageVa-t-en, soldat, sans jugement ni politesse !
Tu peux te montrer plein de mépris,
La main levée, l’injure à la bouche,
A présent que tu as tout reçu de moi.

Tu pars en me traitant de chienne
Rassasié, tu veux me faire rougir de mon métier.
Et toi, avais-tu honte, dressé comme un taureau,
Quand tu poussais doucement ma porte?
Venais-tu donc chez moi pour jouer aux cartes ?

Tu te faisais humble et soumis, soldat,
Consentant d’avance à mes exigences,
Même à perdre toute ta solde, tes avances
Et plus tes yeux me parcouraient, luisants,
Plus ton désir brutal te mettait à ma merci
Quand tu as enfin découvert ma chair,
J’aurais pu te demander ton âme.

Et de maudire ta mère et tes ancêtres
Vers quel ciel de félicité t’étais-tu envolé ?
Maintenant calmé te voici de retour sur la terre,
Arrogant, rude et grossier comme ta djellaba.

Pauvre hôte de cet instant, mon esclave,
Ne sens-tu pas mon dégoût et ma haine ?
Un de ces soirs, le souvenir de ce soir-là
Te ramènera chez moi, vaincu et soumis.
Ton amour-propre restera sur le seuil
Et je rirai de tes regards et de tes prières.

Il me faudra trois fois le prix de ce soir
Ce sera l’amende pour ton orgueil et tes injures.
Et je ne me rendrai pas plus compte de ton étreinte
Que la rivière ne s’aperçoit d’une goutte de pluie!

De Mririda N’ait Aittik, traduite par René Euloge, texte repris ici et ailleurs, ici aussi. Fût-elle son Antinea? Il en a collecté les vers rudes d’un atlas sans pitié. Des vers qui poursuivent un chemin dans les sentiers improbables du net. N’en reste qu’une image. Et cette idée qu’un instituteur peut trouver la beauté dans une hétaïre montagnarde, qu’au lacet d’un col une chikhat peut laisser ses mots poursuivre leur chemin à travers le monde.