Bibliothèques

A quoi se comptent les vies ?

La mienne à du papier

Des tonnes de thèses

Des kilos de livres

Des cahiers en grammes

J’ai pris si peu de notes

Dans cette vingtaine

Qu’aurai-je appris ?

J’apprend que j’ai tout oublié

Ces livres en piles

Que j’ai lu

Il n’en reste rien

Des mémoires fragiles

Des notes incompréhensibles

Nous passons des années à apprendre

Ce qu’on oublie

Je garderais des livres

En en jetant la moitié

Je ne les lirais plus

Ils seront des fétiches

Au rayon de la chambre

Dévalant l’escalier

Et coincés dans les creux de la cave

Ils seront les pierres de mon tombeau

Des briques dont je connais le four

Tenant les étagères dans leur empilement

Et je me demande à quoi sert d’écrire

Si le destin est de se couvrir de poussière

Je tousse à remuer la bibliothèque

Sans rien me souvenir de ce que j’en ai lu

Je dresse des totems à une connaissance perdue

Je ne lirais plus rien des volumes qui se dressent

J’ordonne un cimetière

Mais où sont les idées

Et où est ma pensée ?

Fallait-il lire tant pour enfin voir

Que les idées se perdent et que la pensée

A si peu besoin des livres ?

Elle se suffit d’un rocher

d’une mer triste que rompt le vent

De cet accroupissement au dessus d’une flaque

et des heures passées à regarder le soleil s’effondrer

A la nuit quand le froid et les phosphorescences

Amènent à revenir au bar du rivage

Entendre le bruit de passions inutiles

La vie d’une victoire

Une épreuve sportive

qui emporte dans le vent

L’illusion de la gloire

Les livres parlent moins par le texte

Que leur lente accumulation

Ils rappellent une histoire

qui s’échoue

sur la grève

Aucun livre ne sauvera de la mort

Nos bibliothèques sont ces statues de Pâques

Des mystères insensés que rongent les vents

Une réflexion sur “Bibliothèques

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